Le dîner de gala que Mme Michu avait hâtivement organisé en l’honneur de l’accession inespérée de son mari au grade de lieutenant-colonel, et des cinq barrettes qui y étaient attachées, se révéla être une cérémonie moyennement réussie, mais très animée…
Le début des agapes censées régaler des invités triés sur le volet, et auxquels on avait promis de faire bonne chère dans un cadre raffiné, fut marqué par un léger incident désagréable. Le cordon – plus proche du catgut que d’un simbleau – qui maintenait suspendue au-dessus d’un buffet Louis XV une minuscule nature morte due à un petit maître impressionniste s’était rompu, et le tableautin avait chu, au milieu d’un bruit fracassant, sur la surface encombrée dudit meuble. Du coup, le silence, lui, fut… général ! (fin des cadets et juniors)
La peinture elle-même ne fut pas endommagée, mais trois verres à pied en baccarat avaient volé en éclats en cinq sec… L’amour quasi maternel que Mme Michu portait aux objets qui lui appartenaient lui fit éprouver un sentiment de tristesse particulièrement intense, mais elle se ressaisit pour écouter poliment son amie la quincaillière qui exposait une mésaventure où des assiettes en glaise tenaient le premier rôle. Comme la pauvre bégayait, son histoire de poterie cassée fut supplantée par les propos dithyrambiques et lyriques de son voisin sur le livarot, ce fameux « colonel » qui est l’un des orgueils de la Normandie avec, entre autres, le neufchâtel. Des vivats nourris saluèrent la péroraison…
Une soi-disant pythonisse, à la toilette… voyante, forcément, enchaîna en expliquant comment elle s’était servie d’une infusion d’herbe-aux-chats pour faire disparaître sur des nappes des tâches de côtes-du-rhône. Des approbations bruyantes, et déjà quelque peu alcoolisées, entérinèrent son intervention…
L’homme aux cinq barrettes blanches et dorées, lui, était aux anges : toute l’année au (x) jarret (s) de rigueur étant donné l’engouement de sa femme pour l’osso-buco, il salivait à l’avance en pensant aux épigrammes grillés aux psalliotes safranées figurant au menu. Ayant découvert de loin le plateau des fromages, sa joyeuse et gourmande voisine aux appas généreux moulés dans un caraco rouge Carpaccio et un pantalon noir de jais était déjà toute à son brie. En attendant, tous les deux s’étaient largement servi de bonnes rasades de beaujolais-villages, et, le visage rubicond, se gardaient bien de se lever, de peur de marcher en zigzag !
Texte de la dictée de Jean-Pierre Colignon en intégralité.
Deauville – Modifié le 27/09/2013 à 14:52
Correction détaillée
Pas de repas sage au dîner !
Le dîner de gala que Mme Michu avait hâtivement organisé en l’honneur de l’accession inespérée de son mari au grade de lieutenant-colonel, et des cinq barrettes qui y étaient attachées, se révéla être une cérémonie moyennement réussie, mais très animée…
Le début des agapes censées régaler des invités triés sur le volet, et auxquels on avait promis de faire bonne chère dans un cadre raffiné, fut marqué par un léger incident désagréable. Le cordon – plus proche du catgut que d’un simbleau – qui maintenait suspendue au-dessus d’un buffet Louis XV une minuscule nature morte due à un petit maître impressionniste s’était rompu, et le tableautin avait chu, au milieu d’un bruit fracassant, sur la surface encombrée dudit meuble. Du coup, le silence, lui, fut… général !
La peinture elle-même ne fut pas endommagée, mais trois verres à pied en baccarat avaient volé en éclats en cinq sec… L’amour quasi maternel que Mme Michu portait aux objets qui lui appartenaient lui fit éprouver un sentiment de tristesse particulièrement intense, mais elle se ressaisit pour écouter poliment son amie la quincaillière qui exposait une mésaventure où des assiettes en glaise tenaient le premier rôle. Comme la pauvre bégayait, son histoire de poterie cassée fut supplantée par les propos dithyrambiques et lyriques de son voisin sur le livarot, ce fameux « colonel » qui est l’un des orgueils de la Normandie avec, entre autres, le neufchâtel. Des vivats nourris saluèrent la péroraison…
Une soi-disant pythonisse, à la toilette… voyante, forcément, enchaîna en expliquant comment elle s’était servie d’une infusion d’herbe-aux-chats pour faire disparaître sur des nappes des tâches de côtes-du-rhône. Des approbations bruyantes, et déjà quelque peu alcoolisées, entérinèrent son intervention…
L’homme aux cinq barrettes blanches et dorées, lui, était aux anges : toute l’année au (x) jarret (s) de rigueur étant donné l’engouement de sa femme pour l’osso-buco, il salivait à l’avance en pensant aux épigrammes grillés aux psalliotes safranées figurant au menu. Ayant découvert de loin le plateau des fromages, sa joyeuse et gourmande voisine aux appas généreux moulés dans un caraco rouge Carpaccio et un pantalon noir de jais était déjà toute à son brie. En attendant, tous les deux s’étaient largement servi de bonnes rasades de beaujolais-villages, et, le visage rubicond, se gardaient bien de se lever, de peur de marcher en zigzag !
Mme Michu : les prénoms, noms et surnoms prennent toujours une majuscule.
L’accession : action d’accéder à un état, à une situation, à la propriété. Extension du droit de propriété par suite du rattachement d’une chose accessoire à la chose principale ; les choses mêmes sur lesquelles ce droit est exercé.
Agapes : nom féminin pluriel, repas copieux et joyeux entre amis ; festin.
Censées : ne pas confondre les homonymes.
Censé = supposé, considéré comme. Avec un c (latin censere, juger) ; est toujours accompagné d’un complément, le plus souvent un infinitif : nul n’est censé ignorer la loi ; ce projet est censé améliorer nos conditions de vie.
Sensé = qui a du bon sens, raisonnable. Avec un s (même famille que sens) : elle a l’air d’une personne sensée ; des propos sensés.
Faire bonne chère Erreur couramment commise, penser à la nourriture fait assez naturellement penser à la « chair », d’où l’écriture « faire bonne chair », fréquente mais erronée.
Chère : ici mot dérivé du bas latin « cara », désignant le visage. L’expression « faire bonne chère » signifiait « recevoir dignement celui qui frappait à la porte ». Ce n’est que par la suite, à partir de la guerre de Cent Ans, période de disettes et de vaches maigres s’il en fut, que cet accueil avenant a, par le biais d’une métonymie, pris la forme d’un bon repas.
Catgut : nom masculin (anglais catgut, boyau de chat). Fil résorbable utilisé pour les sutures et les ligatures.
Simbleau : nom masculin(altération de cingleau, diminutif de cengle, variante ancienne de sangle). Petit appareil servant à matérialiser l’axe d’un canon pour vérifier les lignes de mire. Cordeau pour tracer des circonférences.
Avait chu : plus-que-parfait -indicatif
Dudit : on écrit en un seul mot les termes composés d’un article et de « dit » ou de « dite ».
Fut… général ! passé-simple de l’indicatif -général/comparer à colonel.
En cinq sec… Rapidement et efficacement
Adverbe comme on le trouvait dans « payer sec » (pour ‘comptant’), « boire sec » (sans couper le vin avec de l’eau) ou actuellement encore dans « couper sec » ou bien « aussi sec ». Cette locution vient de l’écarté mais qui est un jeu de cartes très en vogue au XIXe siècle et où l’as est situé entre le dix et le valet, et le roi est la carte la plus forte. Jouer une partie de ce jeu en cinq sec, c’est la jouer en cinq coups sans en perdre un seul, ce qui correspond à la manière la plus rapide de la gagner.
« cinq sec » qui s’est écarté du jeu pour devenir une expression généralisée à tout ce qui se fait rapidement.
Exemple
« Les efforts qu’il avait multipliés, avec son air de ne pas y toucher pour empêcher Joseph Pasquier de se débarrasser, en cinq sec, de cette affaire impossible (…) »
Georges Duhamel – Chronique des Pasquier
Compléments
Aujourd’hui, on entend également la variante « en cinq sets » qui est :
– influencée par le terme du tennis alors que l’écarté est maintenant écarté des jeux de société, et donc oublié ;
– anormale parce qu’au contraire, un match de tennis gagné en cinq sets dure très longtemps.
Appartenaient . Emploi de l’imparfait de l’indicatif
L’imparfait de l’indicatif exprime un fait ou une action qui a déjà eu lieu au moment où nous nous exprimons mais qui peut encore se dérouler.
Exemple : Quand tu étais enfant, tu étais timide.
L’imparfait est souvent utilisé pour décrire une scène, un paysage.
Dithyrambiques adjectif (latin dithyrambicus, du grec dithurambikos) Qui appartient au genre du dithyrambe.
Très élogieux, d’un enthousiasme emphatique, outré : Louanges dithyrambiques
dithyrambe nom masculin (grec dithurambos) : cantique consacré à Dionysos, dansé et chanté par des choristes déguisés en satyres, sous la conduite d’un coryphée. (Le dithyrambe est à l’origine de la tragédie grecque.)
Littéraire. Louange enthousiaste et, le plus souvent, démesurée, exagérée ; panégyrique.
Livarot, neufchâtel : nom de fromage pas de majuscule
Les AOC et autres noms gastronomiques
Le vin produit dans le secteur de Saint-Emilion, s’appelle le saint-émilion, de même que le fromage de Saint-Nectaire s’appelle le saint-nectaire. Les coteaux du Layon produisent un délicieux coteaux-du-layon, et la côte de Bourg un sublime côte-de-bourg. En revanche la cuvée Prestige, ou la cuvée du Grand Roi, sont des noms propres dont ont été baptisées certaines vendanges d’anjou-village.
Péroraison : nom féminin (latin peroratio, avec l’influence de oraison)
Conclusion d’un discours. (La péroraison résume les principales preuves ou touche les cœurs par l’appel aux sentiments.)
Une soi-disant pythonisse nom féminin (bas latin Pythonissa, du grec Puthôn)
Femme possédant le don de prophétie, devineresse ( synonyme sibylle)
Herbe-aux-chats nom féminin. Nom usuel commun à la chataire et à la valériane.
Tâches : allusion probable au domaine des Tâches bien que ce vin soit de la Romanée Conti.
Un côtes-du-rhône, des côtes-du-rhône, vin des côtes du Rhône.
Osso-buco : avec deux s, mais un seul c, et un trait d’union entre les deux éléments qui composent le mot. – Plur. : des osso-buco, sans s.
remarque
On trouve parfois la graphie osso buco, sans trait d’union.
Epigrammes grillés nom masculin
Morceau de poitrine d’agneau avec côtelettes, pané et grillé.
homonyme :
épigramme nom féminin (grec epigramma, de epigraphein, inscrire)
Chez les Anciens, courte inscription gravée sur un monument.
Courte pièce de vers d’intention satirique qui se termine par un trait piquant.
Littéraire. Trait mordant, mot satirique
psalliotes safranées nom féminin (grec psalis, voûte)
Champignon basidiomycète comestible, à lames rosées, puis violacé noirâtre, au pied muni d’un anneau membraneux, tel que la psalliote des jachères (ou rosé-des-prés), et dont on cultive deux espèces (champignons de couche).
Synonyme : agaric
noir de jais Variété de lignite, compacte, noire et luisante, à cassure conchoïdale, pouvant être polie et taillée. Noir) de jais, noir très brillant : Des cheveux noir de jais.
à son brie. jeu de mots brie
nom féminin (de brier)
Barre de bois ou dispositif mécanique pour homogénéiser et tasser la pâte à pain, à pâtisserie, au cours de la dernière façon qu’on lui donne.
« Du fromage de Brie, de Gruyère, de Hollande, MAIS si le mot fromage n’est pas employé, on a des noms communs sans majuscule : du brie, du gruyère, du hollande, et ils prennent la marque du pluriel, des bries, des gruyères, des hollandes. Le lieu qui complète le nom de certains fromages
est naturellement invariable [et conserve la majuscule] : des bries de Melun. » André Jouette.
ils s’étaient servi de
Cas 2 : le participe passé s’accorde avec le COD (s’il existe)
Ce cas concerne les verbes occasionnellement pronominaux qui conservent leur sens premier quand on les emploie à la forme pronominale. Par exemple : se laver (= laver soi-même), se parler (= parler à soi-même).
Dans ce cas, la règle veut que le pp s’accorde avec le COD si ce dernier est placé avant. Il va de soi que les participes passés des verbes ne pouvant avoir de COD (cas de se parler, se plaire à, se rire de, se sourire, se succéder, se suffire, se téléphoner, s’en vouloir de, etc., pour lesquels l’infinitif du verbe en emploi non pronominal se construit avec une préposition) restent invariables.
Elle s’est jetée sur lui (elle a jeté qui ? se mis pour elle, COD placé avant le pp → accord).
Ils se sont lavé les mains (ils ont lavé quoi ? les mains, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d’accord).
Ils se sont lavés à grande eau (ils ont lavé qui ? se mis pour ils, COD placé avant le pp → accord).
Elle s’est refait une santé (elle a refait quoi ? une santé, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d’accord, même si la liaison entre refait et une peut prêter à confusion).
Les postulants se sont succédé toute la matinée (ils ont succédé à qui ? à eux, se est COI, il n’y a pas de COD → pas d’accord).
Elle s’est plu à l’embêter (se plaire, comme se succéder, ne peut avoir de COD).
Elle s’est remise de son voyage mais Elle s’est permis de le lui dire (et non Elle s’est permise).
Elle s’en est voulu de son erreur.
Elle s’est attiré les foudres de son patron (les foudres, COD placé après le pp).
Jeu
Des prorata, des marie-jeanne, un levraut, des non-dits, un promontoire, des quotas, un lapereau, un remontoir, des on-dit, des maries-louises.
marie-jeanne : nom féminin invariable
marie-louise, maries-louises : passe-partout biseauté ou à gorge, fixé au bord intérieur d’un cadre.
Encadrement du papier de fond d’une affiche par une bordure en harmonie avec la couleur dominante de celle-ci et destinée à la mettre en valeur.