Une histoire d’amour

Posté le 3 décembre 2016

plumeConcours de dictée de Pont-à-Marcq (Nord), samedi 3 octobre 2015

Une histoire d’amour

C’en est irrémédiablement fini des cadenas d’amour accrochés aux garde-fous de la passerelle des Arts, qui enjambe la Seine entre le Louvre et l’Académie française. Ce malheureux pont qui, après les bombardements, les heurts des péniches ou des bateaux-mouches sur les culées, en avait pourtant vu d’autres avec ses arches passant de neuf à sept afin que la voie soit davantage navigable. Il avait, entre autres, supporté sans maronner les marauds qui pompaient des kils de pinard et les badauds qui venaient écouter des musicos prenant ses planches pour la scène.

Fin catégorie 1

Tourtereaux adulescents, nous avions, à l’aide d’un laguiole, gravé dans le phelloderme d’un chêne de haute futaie un cœur percé d’une flèche pennée, au grand dam des dryades. Nous nous étions déclaré, entre deux poutous embarrassés, notre flamme. Quelque temps après, nous nous étions aperçus que, du témoin de notre idylle, il n’était resté que la cépée non essouchée : l’arbre séculaire, menacé par des bostryches, était devenu du bois de charronnage et du douvain. Disparue, l’irréfutable preuve de la pérennité de notre amour ! C’était le pompon !

Fin catégorie 2

Deux lustres plus tard, nous nous sommes retrouvés dans ce haut lieu parisien, parmi des jean-foutre et des gens probes, afin d’y sceller notre oaristys avant que les bans annonçant notre conjungo soient publics. Il paraît qu’à cet endroit-là, dont se soucie comme de colin-tampon la rousse, on s’aime à tout vent, qu’il soit zéphyr ou aquilon. Nous n’avons pu, hélas, ancrer notre cadenas sur les ex-grillages cloqués et ployant sous le faix. J’aurais bien percé le verre acrylique avec mon vilebrequin, mais j’ai craint que l’on ne me mette les poucettes.

… Notre belle histoire a tourné court : elle est repartie à Carentan et moi à Sète.

Le Petit Larousse écrivant les noms déposés avec une majuscule, on admettra Bateaux-Mouches et Laguiole.

Claude VANHAVERBEKE, Dico d’or 2002  Grand champion de la Dictée des Amériques 2003

Les ouvrages de référence sont :

– pour l’orthographe : le Petit Larousse illustré 2015, le Petit Robert 2015 ;

– pour la syntaxe : le Dictionnaire des difficultés de la langue française de Thomas ;

– pour le point de départ : les discutables décisions de la mairie de Paris ;

– pour les idées ajoutées : l’immense œuvre inoubliable de Georges Brassens.

Correction détaillée

Une histoire d’amour

C’en est irrémédiablement fini des cadenas d’amour accrochés aux garde-fous de la passerelle des Arts, qui enjambe la Seine entre le Louvre et l’Académie française. Ce malheureux pont qui, après les bombardements, les heurts des péniches ou des bateaux-mouches sur les culées, en avait pourtant vu d’autres avec ses arches passant de neuf à sept afin que la voie soit davantage navigable. Il avait, entre autres, supporté sans maronner les marauds qui pompaient des kils de pinard et les badauds qui venaient écouter des musicos prenant ses planches pour la scène.

Tourtereaux adulescents, nous avions, à l’aide d’un laguiole, gravé dans le phelloderme d’un chêne de haute futaie un cœur percé d’une flèche pennée, au grand dam des dryades. Nous nous étions déclaré, entre deux poutous embarrassés, notre flamme. Quelque temps après, nous nous étions aperçus que, du témoin de notre idylle, il n’était resté que la cépée non essouchée : l’arbre séculaire, menacé par des bostryches, était devenu du bois de charronnage et du douvain. Disparue, l’irréfutable preuve de la pérennité de notre amour ! C’était le pompon !

Deux lustres plus tard, nous nous sommes retrouvés dans ce haut lieu parisien, parmi des jean-foutre et des gens probes, afin d’y sceller notre oaristys avant que les bans annonçant notre conjungo soient publics. Il paraît qu’à cet endroit-là, dont se soucie comme de colin-tampon la rousse, on s’aime à tout vent, qu’il soit zéphyr ou aquilon. Nous n’avons pu, hélas, ancrer notre cadenas sur les ex-grillages cloqués et ployant sous le faix. J’aurais bien percé le verre acrylique avec mon vilebrequin, mais j’ai craint que l’on ne me mette les poucettes.

… Notre belle histoire a tourné court : elle est repartie à Carentan et moi à Sète.

La nouvelle orthographe du français n’est pas imposée, mais elle est officiellement recommandée. Les modifications, modérées, touchent environ deux-mille mots.

Conformément à la décision de l’Académie française, « aucune des deux graphies [ni l’ancienne ni la nouvelle] ne peut être tenue pour fautive ».

C’en est 

« S’en » et « c’en » sont toujours suivis d’un verbe. 

C’en est fini de l’insouciance ! = Cela en est fini de.

François s’en soucie. = Il s’en soucie.

Sinon, écrivez « sans », qui est la seule des trois orthographes à pouvoir précéder autre chose qu’un verbe :

Commençons la réunion sans eux.

Les naufragés ont passé des jours sans manger.

Notez que le verbe qui suit « sans » ne peut être qu’à l’infinitif.

Heurts  : fait pour deux choses d’entrer assez rudement en contact ; choc : Ces verres sont fragiles : il faut éviter le moindre heurt.

Opposition très forte entre des choses ; contraste : Le heurt de deux sonorités.

Conflit, opposition violente entre des personnes, des groupes (surtout pluriel) : Cette rivalité d’intérêts a provoqué des heurts entre eux.

Culées : pilier destiné à soutenir la voûte d’un édifice, la poussée d’un arc-boutant. Massif de maçonnerie établi contre les rives pour soutenir la poussée de la voûte d’un pont à ses deux extrémités.

Voie :  nom féminin (latin via) Ne pas confondre avec voix

Entre autres : en principe, « entre autres » doit se rapporter à un nom ou à un pronom exprimé avant ou après cette expression : j’ai revu plusieurs camarades de promotion, Martin, entre autres. Dans l’expression orale courante, entre autres est souvent employé dans le sens de « notamment, en particulier » et ne se rapporte pas à un nom ou à un pronom exprimé : il m’a annoncé, entre autres, qu’il allait se marier.

Recommandation : dans l’expression soignée, en particulier à l’écrit, préférer entre autres choses ou un adverbe de sens équivalent : il m’a annoncé, entre autres choses (ou : en particulier), qu’il allait se marier.

Remarque : bien que critiqué, l’emploi de entre autres ne se rapportant pas à un nom ou à un pronom est très répandu, même chez de grands écrivains : « Je me souviens, entre autres, que M. Dubois nous récitait… » (Stendhal).

Maronner  : exprimer un mécontentement, une mauvaise humeur par des paroles indistinctes marmonnées, en grognant sourdement. Éprouver du dépit:

Marauds     maraud, maraude

nom (p. ê. de maraud, nom dialectal du matou dans le Centre et l’Ouest, de l’onomatopée marm-)

Vieux. Coquin, drôle.

Kils :  Populaire Étymol. et Hist. 1. 1880 « litre de vin »

  1. − Kilo. B. − Litre (fréquemment pour désigner un litre de vin ordinaire)

Pinard   :  nom masculin (de pineau) Populaire. Vin

Adulescents : adulescent, adulescente nom et adjectif (de adulte et adolescent)

Jeune adulte qui continue à avoir un comportement comparable à celui qu’ont généralement les adolescents.

Musicos :  Nom invariant en genre et en nombre argotiquement, musicien

Café, cabaret où l’on exécute de la musique, notamment aux Pays-Bas, surtout en Hollande. Des jeunes hommes graves qui s’assemblent dans un musico philosophique et religieux de la rue des Quatre-Vents (Balzac, Illus. perdues, 1843, p.446).

Prononc. et Orth.: [myziko]. Att. ds Ac. dep. 1798. Plur. des musicos. Étymol. et Hist. 1729 les musicaux de la Hollande (D’Aubigné, Vie, ch. 111 [interpolation] ds La Curne); 1728 un musico d’Amsterdam (Volt., Ess. poés. épiq., ch. 6 ds Littré). Empr. au néerl. musico de même sens, surtout pop. au xviiies. (Valkh.)

 Laguiole : laguiole nom masculin (de Laguiole, nom propre)

Fromage très proche du cantal, fabriqué dans l’Aubrac.

Couteau de poche, fabriqué à Laguiole, à manche légèrement recourbé et à lame allongée.

Phelloderme :  phelloderme nom masculin

Tissu engendré intérieurement par l’assise génératrice corticale, qui produit à l’extérieur le liège.

Futaie : de fût Bois ou forêt provenant de semis ou de plantations et destiné à produire des arbres de grande dimension, au fût élevé et droit.

Pennée : Plume garnissant une flèche

Dam :  nom masculin (latin damnum, préjudice)

Châtiment des damnés, qui consiste dans la privation éternelle de la vision béatifique de Dieu. (On dit aussi peine du dam.) Au grand dam de quelqu’un, à son préjudice, à son détriment

Dam, du latin damnum, dommage, préjudice, n’est plus employé que dans les deux expressions suivantes.

Au grand dam de qqn = à son préjudice, à son détriment ; à son grand regret, à son grand dépit. À son grand dam, il a été obligé de faire quelques concessions.

Peine du dam = tourment des damnés privés de la vue de Dieu, dans la religion catholique.

 

Dryades  : dryade nom féminin (latin dryas, -adis, du grec druas, -ados, de drus, chêne)

Nymphe des bois et des arbres.

Poutous  :  poutou nom masculin (onomatopée)

Familier. Dans le midi de la France, baiser, bisou : De gros poutous

Cépée :  nom féminin  (de cep -latin cippus, colonne funéraire – pied de vigne) Touffe de rejets sortant de la souche d’un arbre qui a été coupé.

Bostryches : Le bostryche typographe est une espèce d’insectes coléoptères de la famille des Cucurlionidea, originaire d’Eurasie. C’est un petit coléoptère ligniforme ravageur des forêts d’épicéas

Charronnage :   nom masculin Métier ou ouvrage du charron.

Douvain : douvain ou  douvin nom masculin (de douve 1)

Bois de chêne destiné à être transformé en douelles de tonneau.

Deux lustres : lustre nom masculin (latin lustrum) Littéraire Période de cinq années.

Longue période (surtout pluriel) : Il y a des lustres que je ne l’ai pas vu.

À Rome, période de cinq ans entre deux censures ; sacrifice de purification qui se pratiquait tous les cinq ans.

Jean-foutre : jean-foutre nom masculin invariable Populaire. Individu méprisable ou incapable.

Gens probes : adjectif  (latin probus)Littéraire. Qui est d’une honnêteté stricte, scrupuleuse.

Oaristys :  nom féminin (grec oaristus, entretien amoureux)

Dans la littérature antique, poème élégiaque ou familier.

Bans :  ban nom masculin (francique *ban)

Pouvoir de commandement du seigneur ; proclamation publique d’un ordre, d’un événement ; convocation des vassaux par le seigneur ou le roi pour le service militaire ; ensemble des vassaux convoqués ; condamnation au bannissement.

Roulement de tambour et sonnerie de clairon précédant (ouverture du ban) ou clôturant (fermeture du ban) certaines cérémonies militaires (remise de décoration par exemple).

Dans certaines communes, arrêté municipal fixant la date à laquelle peuvent être exécutés certains travaux agricoles (ban de moisson, ban de fauchaison…).

Ne pas confondre ces deux mots.

Ban = condamnation à l’exil, au bannissement (n’est plus employé que dans les expressions être en rupture de ban et être mis au ban de la société).

Banc, avec un c = siège. Être au banc (ou sur le banc) des prévenus, des accusés.

 

Conjungo    nom masculin (latin conjungo, j’unis) Familier et vieux. Mariage.

Colin-tampon : des colin-tampons nom masculin (de Colin, diminutif de Nicolas, et tampon, d’après tambour), synonyme ancien de colin-maillard.

La rousse :  rousse nom féminin  Argot. La rousse, la police.

Zéphyr ou aquilon   Aquilon: Vent du Nord froid et violent. Zéphyr: Vent tiède et léger.

Faix : nom masculin (latin fascis) Littéraire. Charge, fardeau : Ployer sous le faix.

Vilebrequin :  nom masculin

(moyen français wimbelkin, du moyen néerlandais wimmel, vrille, avec l’influence de virer, vibrer et libre)

Outil manuel formé d’une tige coudée portant à une extrémité un dispositif de fixation (carré, mandrin) pour mèche de perçage ou clef de serrage, dont il permet la mise en action par rotation.

Arbre grâce auquel le mouvement rectiligne alternatif d’un dispositif piston-bielle est transformé en un mouvement de rotation. Le vilebrequin d’une automobile est un arbre coudé, en acier forgé ou coulé, ou en fonte moulée, tourillonné sur des paliers placés à la partie inférieure du bloc-cylindres du moteur.

j’ai craint  : Passé composé

j’ai craint  tu as craint il a craint nous avons craint vous avez craint ils ont craint

poucettes : nom féminin pluriel (de pouce)

Corde, chaînette, instrument avec lequel on serrait ensemble les deux pouces d’un prisonnier. (Aujourd’hui Massenotes, chaîne de conduite.)

a tourné court  :  Tourner court. (court -adverbe)

Toujours invariable : les choses ont tourné court, prendre de court, elle a été prise de court.

Carentan  : commune française, située dans le département de la Manche en région Normandie.

Jeux

au pluriel

– aide-mémoire    des aide-mémoire  Le Petit Robert cautionne pourtant aide-mémoires depuis son édition 2009

– pense-bête        des pense-bêtes

– vade-mecum     des vade-mecum

Dans la quasi-totalité des mots qui suivent, le h initial est facultatif. Repérerez-vous pourtant le cas où il est obligatoire… et celui où il constitue une faute ?

  1. haruspice haruspice ou aruspice

Devin qui interprétait la volonté des dieux exprimée par des prodiges ou  par l’apparence des  entrailles des victimes                          des sacrifices. (En Étrurie, les haruspices formaient une corporation  spécialisée ; dans le monde romain, ils étaient                                   constitués en collège.)

  1. hellébore ou ellébore
  2. C. hermite ermite a perdu le H
  3. herpétologie ou erpétologie (de herpetos, reptile)Étude scientifique des reptiles.
  4. hilote ou ilote nom masculin (grec heilôs, -otôs) Esclave public à Sparte.

                                 Littéraire. Personne réduite au dernier degré d’ignorance ou de soumission.

  1. holographe ou olographe adjectif (bas latin olographus, du grec holographein, écrire en toutes lettres)  Testament olographe, testament écrit en entier de la main du testateur.
  2. hululement ou ululement ou ululation
  3. hurluberlu s’écrit obligatoirement avec un h Usité au masculin et au féminin : un hurluberlu, une hurluberlue.

 

Pas de repas sage au dîner !

Posté le 2 décembre 2016

plumeLe dîner de gala que Mme Michu avait hâtivement organisé en l’honneur de l’accession inespérée de son mari au grade de lieutenant-colonel, et des cinq barrettes qui y étaient attachées, se révéla être une cérémonie moyennement réussie, mais très animée…

Le début des agapes censées régaler des invités triés sur le volet, et auxquels on avait promis de faire bonne chère dans un cadre raffiné, fut marqué par un léger incident désagréable. Le cordon – plus proche du catgut que d’un simbleau – qui maintenait suspendue au-dessus d’un buffet Louis XV une minuscule nature morte due à un petit maître impressionniste s’était rompu, et le tableautin avait chu, au milieu d’un bruit fracassant, sur la surface encombrée dudit meuble. Du coup, le silence, lui, fut… général ! (fin des cadets et juniors)

La peinture elle-même ne fut pas endommagée, mais trois verres à pied en baccarat avaient volé en éclats en cinq sec… L’amour quasi maternel que Mme Michu portait aux objets qui lui appartenaient lui fit éprouver un sentiment de tristesse particulièrement intense, mais elle se ressaisit pour écouter poliment son amie la quincaillière qui exposait une mésaventure où des assiettes en glaise tenaient le premier rôle. Comme la pauvre bégayait, son histoire de poterie cassée fut supplantée par les propos dithyrambiques et lyriques de son voisin sur le livarot, ce fameux « colonel » qui est l’un des orgueils de la Normandie avec, entre autres, le neufchâtel. Des vivats nourris saluèrent la péroraison…

Une soi-disant pythonisse, à la toilette… voyante, forcément, enchaîna en expliquant comment elle s’était servie d’une infusion d’herbe-aux-chats pour faire disparaître sur des nappes des tâches de côtes-du-rhône. Des approbations bruyantes, et déjà quelque peu alcoolisées, entérinèrent son intervention…

L’homme aux cinq barrettes blanches et dorées, lui, était aux anges : toute l’année au (x) jarret (s) de rigueur étant donné l’engouement de sa femme pour l’osso-buco, il salivait à l’avance en pensant aux épigrammes grillés aux psalliotes safranées figurant au menu. Ayant découvert de loin le plateau des fromages, sa joyeuse et gourmande voisine aux appas généreux moulés dans un caraco rouge Carpaccio et un pantalon noir de jais était déjà toute à son brie. En attendant, tous les deux s’étaient largement servi de bonnes rasades de beaujolais-villages, et, le visage rubicond, se gardaient bien de se lever, de peur de marcher en zigzag !

Texte de la dictée de Jean-Pierre Colignon en intégralité.
Deauville – Modifié le 27/09/2013 à 14:52

Correction détaillée

Pas de repas sage au dîner !

Le dîner de gala que Mme Michu avait hâtivement organisé en l’honneur de l’accession inespérée de son mari au grade de lieutenant-colonel, et des cinq barrettes qui y étaient attachées, se révéla être une cérémonie moyennement réussie, mais très animée…

Le début des agapes censées régaler des invités triés sur le volet, et auxquels on avait promis de faire bonne chère dans un cadre raffiné, fut marqué par un léger incident désagréable. Le cordon – plus proche du catgut que d’un simbleau – qui maintenait suspendue au-dessus d’un buffet Louis XV une minuscule nature morte due à un petit maître impressionniste s’était rompu, et le tableautin avait chu, au milieu d’un bruit fracassant, sur la surface encombrée dudit meuble. Du coup, le silence, lui, fut… général !

La peinture elle-même ne fut pas endommagée, mais trois verres à pied en baccarat avaient volé en éclats en cinq sec… L’amour quasi maternel que Mme Michu portait aux objets qui lui appartenaient lui fit éprouver un sentiment de tristesse particulièrement intense, mais elle se ressaisit pour écouter poliment son amie la quincaillière qui exposait une mésaventure où des assiettes en glaise tenaient le premier rôle. Comme la pauvre bégayait, son histoire de poterie cassée fut supplantée par les propos dithyrambiques et lyriques de son voisin sur le livarot, ce fameux « colonel » qui est l’un des orgueils de la Normandie avec, entre autres, le neufchâtel. Des vivats nourris saluèrent la péroraison

Une soi-disant pythonisse, à la toilette… voyante, forcément, enchaîna en expliquant comment elle s’était servie d’une infusion d’herbe-aux-chats pour faire disparaître sur des nappes des tâches de côtes-du-rhône. Des approbations bruyantes, et déjà quelque peu alcoolisées, entérinèrent son intervention…

L’homme aux cinq barrettes blanches et dorées, lui, était aux anges : toute l’année au (x) jarret (s) de rigueur étant donné l’engouement de sa femme pour l’osso-buco, il salivait à l’avance en pensant aux épigrammes grillés aux psalliotes safranées figurant au menu. Ayant découvert de loin le plateau des fromages, sa joyeuse et gourmande voisine aux appas généreux moulés dans un caraco rouge Carpaccio et un pantalon noir de jais était déjà toute à son brie. En attendant, tous les deux s’étaient largement servi de bonnes rasades de beaujolais-villages, et, le visage rubicond, se gardaient bien de se lever, de peur de marcher en zigzag !

Mme Michu  : les prénoms, noms et surnoms prennent toujours une majuscule.

L’accession  : action d’accéder à un état, à une situation, à la propriété. Extension du droit de propriété par suite du rattachement d’une chose accessoire à la chose principale ; les choses mêmes sur lesquelles ce droit est exercé.

Agapes : nom féminin pluriel, repas copieux et joyeux entre amis ; festin.
Censées : ne pas confondre les homonymes.
Censé = supposé, considéré comme. Avec un c (latin censere, juger) ; est toujours accompagné d’un complément, le plus souvent un infinitif : nul n’est censé ignorer la loi ; ce projet est censé améliorer nos conditions de vie.
Sensé = qui a du bon sens, raisonnable. Avec un s (même famille que sens) : elle a l’air d’une personne sensée ; des propos sensés.

Faire bonne chère Erreur couramment commise, penser à la nourriture fait assez naturellement penser à la « chair », d’où l’écriture « faire bonne chair », fréquente mais erronée.
Chère : ici mot dérivé du bas latin « cara », désignant le visage. L’expression « faire bonne chère » signifiait « recevoir dignement celui qui  frappait à la porte ». Ce n’est que par la suite, à partir de la guerre de Cent Ans, période de disettes et de vaches maigres s’il en fut, que cet accueil avenant a, par le biais d’une métonymie, pris la forme d’un bon repas.

Catgut : nom masculin (anglais catgut, boyau de chat). Fil résorbable utilisé pour les sutures et les ligatures.

Simbleau : nom masculin(altération de cingleau, diminutif de cengle, variante ancienne de sangle). Petit appareil servant à matérialiser l’axe d’un canon pour vérifier les lignes de mire. Cordeau pour tracer des circonférences.

Avait chu : plus-que-parfait -indicatif

Dudit : on écrit en un seul mot les termes composés d’un article et de « dit » ou de « dite ».

Fut… général ! passé-simple de l’indicatif -général/comparer à colonel.

En cinq sec… Rapidement et efficacement

Adverbe comme on le trouvait dans « payer sec » (pour ‘comptant’), « boire sec » (sans couper le vin avec de l’eau) ou actuellement encore dans « couper sec » ou bien « aussi sec ». Cette locution vient de l’écarté mais qui est un jeu de cartes très en vogue au XIXe siècle et où l’as est situé entre le dix et le valet, et le roi est la carte la plus forte. Jouer une partie de ce jeu en cinq sec, c’est la jouer en cinq coups sans en perdre un seul, ce qui correspond à la manière la plus rapide de la gagner.

« cinq sec » qui s’est écarté du jeu pour devenir une expression généralisée à tout ce qui se fait rapidement.

Exemple
« Les efforts qu’il avait multipliés, avec son air de ne pas y toucher pour empêcher Joseph Pasquier de se débarrasser, en cinq sec, de cette affaire impossible (…) »
Georges Duhamel – Chronique des Pasquier

Compléments
Aujourd’hui, on entend également la variante « en cinq sets » qui est :
– influencée par le terme du tennis alors que l’écarté est maintenant écarté des jeux de société, et donc oublié ;
– anormale parce qu’au contraire, un match de tennis gagné en cinq sets dure très longtemps.

Appartenaient . Emploi de l’imparfait de l’indicatif
L’imparfait de l’indicatif exprime un fait ou une action qui a déjà eu lieu au moment où nous nous exprimons mais qui peut encore se dérouler.
Exemple : Quand tu étais enfant, tu étais timide.
L’imparfait est souvent utilisé pour décrire une scène, un paysage.

Dithyrambiques adjectif (latin dithyrambicus, du grec dithurambikos) Qui appartient au genre du dithyrambe.
Très élogieux, d’un enthousiasme emphatique, outré : Louanges dithyrambiques
dithyrambe nom masculin (grec dithurambos) : cantique consacré à Dionysos, dansé et chanté par des choristes déguisés en satyres, sous la conduite d’un coryphée. (Le dithyrambe est à l’origine de la tragédie grecque.)
Littéraire. Louange enthousiaste et, le plus souvent, démesurée, exagérée ; panégyrique.

Livarot, neufchâtel : nom de fromage pas de majuscule
Les AOC et autres noms gastronomiques
Le vin produit dans le secteur de Saint-Emilion, s’appelle le saint-émilion, de même que le fromage de Saint-Nectaire s’appelle le saint-nectaire. Les coteaux du Layon produisent un délicieux coteaux-du-layon, et la côte de Bourg un sublime côte-de-bourg. En revanche la cuvée Prestige, ou la cuvée du Grand Roi, sont des noms propres dont ont été baptisées certaines vendanges d’anjou-village.

Péroraison : nom féminin (latin peroratio, avec l’influence de oraison)
Conclusion d’un discours. (La péroraison résume les principales preuves ou touche les cœurs par l’appel aux sentiments.)

Une soi-disant pythonisse nom féminin (bas latin Pythonissa, du grec Puthôn)
Femme possédant le don de prophétie, devineresse ( synonyme sibylle)

Herbe-aux-chats nom féminin. Nom usuel commun à la chataire et à la valériane.

Tâches : allusion probable au domaine des Tâches bien que ce vin soit de la Romanée Conti.

Un côtes-du-rhône, des côtes-du-rhône, vin des côtes du Rhône.

Osso-buco : avec deux s, mais un seul c, et un trait d’union entre les deux éléments qui composent le mot. – Plur. : des osso-buco, sans s.
remarque
On trouve parfois la graphie osso buco, sans trait d’union.

Epigrammes grillés nom masculin
Morceau de poitrine d’agneau avec côtelettes, pané et grillé.

homonyme :
épigramme nom féminin (grec epigramma, de epigraphein, inscrire)
Chez les Anciens, courte inscription gravée sur un monument.
Courte pièce de vers d’intention satirique qui se termine par un trait piquant.
Littéraire. Trait mordant, mot satirique

psalliotes safranées nom féminin (grec psalis, voûte)
Champignon basidiomycète comestible, à lames rosées, puis violacé noirâtre, au pied muni d’un anneau membraneux, tel que la psalliote des jachères (ou rosé-des-prés), et dont on cultive deux espèces (champignons de couche).
Synonyme : agaric

noir de jais Variété de lignite, compacte, noire et luisante, à cassure conchoïdale, pouvant être polie et taillée. Noir) de jais, noir très brillant : Des cheveux noir de jais.

à son brie. jeu de mots brie
nom féminin (de brier)
Barre de bois ou dispositif mécanique pour homogénéiser et tasser la pâte à pain, à pâtisserie, au cours de la dernière façon qu’on lui donne.
« Du fromage de Brie, de Gruyère, de Hollande, MAIS si le mot fromage n’est pas employé, on a des noms communs sans majuscule : du brie, du gruyère, du hollande, et ils prennent la marque du pluriel, des bries, des gruyères, des hollandes. Le lieu qui complète le nom de certains fromages
est naturellement invariable [et conserve la majuscule] : des bries de Melun. » André Jouette.

ils s’étaient servi de
Cas 2 : le participe passé s’accorde avec le COD (s’il existe)
Ce cas concerne les verbes occasionnellement pronominaux qui conservent leur sens premier quand on les emploie à la forme pronominale. Par exemple : se laver (= laver soi-même), se parler (= parler à soi-même).
Dans ce cas, la règle veut que le pp s’accorde avec le COD si ce dernier est placé avant. Il va de soi que les participes passés des verbes ne pouvant avoir de COD (cas de se parler, se plaire à, se rire de, se sourire, se succéder, se suffire, se téléphoner, s’en vouloir de, etc., pour lesquels l’infinitif du verbe en emploi non pronominal se construit avec une préposition) restent invariables.
Elle s’est jetée sur lui (elle a jeté qui ? se mis pour elle, COD placé avant le pp → accord).
Ils se sont lavé les mains (ils ont lavé quoi ? les mains, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d’accord).
Ils se sont lavés à grande eau (ils ont lavé qui ? se mis pour ils, COD placé avant le pp → accord).

Elle s’est refait une santé (elle a refait quoi ? une santé, COD placé après le pp tandis que se est COI → pas d’accord, même si la liaison entre refait et une peut prêter à confusion).
Les postulants se sont succédé toute la matinée (ils ont succédé à qui ? à eux, se est COI, il n’y a pas de COD → pas d’accord).
Elle s’est plu à l’embêter (se plaire, comme se succéder, ne peut avoir de COD).
Elle s’est remise de son voyage mais Elle s’est permis de le lui dire (et non Elle s’est permise).
Elle s’en est voulu de son erreur.
Elle s’est attiré les foudres de son patron (les foudres, COD placé après le pp).

Jeu

Des prorata, des marie-jeanne, un levraut, des non-dits, un promontoire, des quotas, un lapereau, un remontoir, des on-dit, des maries-louises.

marie-jeanne : nom féminin invariable
marie-louise, maries-louises  : passe-partout biseauté ou à gorge, fixé au bord intérieur d’un cadre.
Encadrement du papier de fond d’une affiche par une bordure en harmonie avec la couleur dominante de celle-ci et destinée à la mettre en valeur.